La Ministre de l'Enseignement sup茅rieur et de la Recherche veut faire 茅voluer la science
Sylvie Retailleau, physicienne devenue Ministre, s鈥檈xprime dans la revue Nature sur ses ambitions pour la recherche scientifique en France.
Sylvie Retailleau, connaissait bien la communaut茅 scientifique lorsqu'elle a pris ses fonctions de Ministre de l鈥檈nseignement sup茅rieur et de la recherche en mai dernier. Avant de commencer sa carri猫re politique, elle a perfectionn茅 ses talents de n茅gociatrice en r茅unissant diff茅rents acteurs 脿 l'universit茅 Paris-Saclay et en participant 脿 l'茅laboration de la premi猫re .
Nature a publi茅 la premi猫re interview EN LANGUE ANGLAISE de la Ministre1 depuis sa prise de fonction, dans laquelle elle livre ses ambitions pour la science en France.
Quelles sont vos priorit茅s pour les prochaines ann茅es ?
Mon objectif consiste 脿 faire bouger les lignes, pas 脿 r茅volutionner. Je tiens 脿 trouver un 茅quilibre entre les trois piliers de mon portefeuille que sont la recherche, la formation et l'innovation. La communaut茅 scientifique est fatigu茅e des restructurations et de l'approche descendante observ茅e ces 15 derni猫res ann茅es. Ce que souhaite la communaut茅 scientifique, c鈥檈st de la stabilit茅 ainsi qu鈥檜ne vision claire d鈥檕霉 nous allons, pourquoi et comment y parvenir. L'une de mes premi猫res missions a 茅t茅 de mettre en place une collaboration plus 茅troite avec mes coll猫gues de l'茅ducation, de la sant茅, de l'agriculture et de l'industrie.
La toute premi猫re LPR pr茅voyait que l'脡tat investisse 26 milliards d'euros suppl茅mentaires dans la recherche d'ici 脿 2030. Cette augmentation des d茅penses est-elle bien engag茅e ?
Nous sommes en train de pr茅parer une s茅rie de programmes qui fourniront de nouveaux moyens 脿 la recherche, comme un plan de 7 milliards d'euros pour l'innovation dans le domaine de la sant茅, dont 1,3 milliard d'euros seront consacr茅s 脿 la recherche. Un plan de 鈥渞echerche 脿 haut risque鈥 sera bient么t annonc茅. Nous continuerons 脿 augmenter les salaires afin d'attirer les jeunes vers les carri猫res scientifiques. Le salaire de base et les primes ont fortement augment茅 depuis l'entr茅e en vigueur de la LPR pour toutes les diff茅rentes cat茅gories de personnel scientifique. Les scientifiques ne se rendent pas toujours compte de cette 茅volution.
Quels sont les d茅veloppements 脿 venir dans le monde de la recherche ?
L'enjeu est de clarifier les relations entre les grandes universit茅s de recherche, les petites universit茅s r茅gionales et les instituts nationaux de recherche comme le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS). Les universit茅s seront plus autonomes, mais pas compl猫tement ind茅pendantes, et les agences ou les instituts seront amen茅s 脿 jouer un r么le 脿 l鈥櫭ヽhelle nationale, d茅cidant de l鈥檕rientation strat茅gique et de la coordination des programmes th茅matiques. Les unit茅s mixtes de recherche (UMR) vont subsister, mais chaque laboratoire sera dirig茅 par un seul responsable au lieu de plusieurs. Les programmes de recherche seront probablement centralis茅s, par exemple par le Commissariat 脿 l'茅nergie atomique et aux 茅nergies alternatives (CEA) pour le secteur de l'茅nergie et par l'Institut national de la sant茅 et de la recherche m茅dicale (INSERM) pour ce qui est de la recherche biom茅dicale, 脿 l'instar des National Institutes of Health am茅ricains. Philippe Gillet, ancien pr茅sident de l'Agence nationale de la recherche (ANR), pr茅sentera au printemps des propositions sur la mani猫re d鈥檡 parvenir.
Comment comptez-vous surmonter les obstacles bureaucratiques auxquels vos pr茅d茅cesseurs se sont heurt茅s ?
Le nouvel environnement devrait simplifier la vie des scientifiques. Je souhaite que les chercheuses et chercheurs puissent consacrer davantage de temps 脿 la recherche. Cela implique de simplifier la gestion des laboratoires qui d茅pendent de plusieurs organisations et, comme je l'ai d茅j脿 茅voqu茅, d'avoir un seul responsable. Les outils de gestion doivent 锚tre les m锚mes pour tous et partag茅s par les conseils d'administration des laboratoires afin d'茅viter toute redondance dans les t芒ches administratives. Cela simplifierait 茅galement la mise en place et le suivi des programmes de recherche.
Comment comptez-vous r茅partir le financement entre les projets de recherche et la recherche fondamentale ?
La recherche fondamentale est essentielle, car c'est elle qui va fa莽onner notre avenir. Elle est financ茅e 脿 la fois par les subventions de l'脡tat aux organismes de recherche et par l'ANR. La plus grande partie des fonds de l'ANR est consacr茅e 脿 des projets g茅n茅riques, dont la plupart concernent la recherche fondamentale. Au cours des deux derni猫res ann茅es, le taux de succ猫s 脿 ces appels 脿 projets a connu une augmentation consid茅rable.
Avez-vous des projets pour am茅liorer la culture scientifique du grand public ?
Il existe d茅j脿 plusieurs initiatives, comme la F锚te de la Science. Un nouveau projet sera lanc茅 prochainement en collaboration avec le Minist猫re de l'脡ducation et le Minist猫re de l'脡galit茅 femmes-hommes, de la Diversit茅 et de l'脡galit茅 des chances afin d'encourager les jeunes 脿 s'int茅resser 脿 la science. Ce projet sera introduit progressivement entre septembre 2023 et l'茅t茅 2024. Une des difficult茅s r茅side dans le fait que de nombreux enseignants ne sont pas form茅s 脿 la science, mais cela changera lorsque l鈥檈nseignement scientifique deviendra obligatoire dans le cursus de licence pour devenir professeur des 茅coles 脿 partir de l'ann茅e scolaire 2024/2025.
On entend souvent dire que les Ministres issus de la soci茅t茅 civile ont du mal 脿 se faire entendre par leurs coll猫gues. Quelle est votre exp茅rience ?
Mes coll猫gues du cabinet m'茅coutent et m鈥檌nterrogent r茅guli猫rement. Ce fut une agr茅able surprise. Si seulement les m茅dias pouvaient s鈥檌nt茅resser autant 脿 la recherche que le fait le cabinet ! Le pr茅sident Emmanuel Macron est conscient que la science constitue un continuum et nous avons des r茅unions r茅guli猫res sur tout ce qui touche 脿 la technologie et 脿 l'innovation.
doi: https://doi.org/10.1038/d41586-023-00628-7
1Texte publi茅 initialement en anglais :
